Le livre des fêlures – collectif [2011]

Le livre des fêlures est un collectif de 31 auteurs réunis par les éditions 13E Note. Plus qu’un recueil de nouvelles, ce livre se veut un manuel de référence pour les auteurs undergrounds regroupés ici en quatre catégories : néo-beats, méta-réalistes, off-noir et inside out. Un essai de Patrick Carrer d’une quarantaine de pages au début nous donne les spécificités de chacune. Son texte nous éclaire quant aux origines de la littérature underground américaine —notamment l’influence beat— mais sa démonstration est laborieuse par endroit.

« Nous proposons d’appeler «néo-beats» ceux qui […] tentent de reprendre le flambeau d’une écriture libérée de certaines contraintes formelles —notamment du «bon goût», à la frontière de la morale et de l’esthétique—, écriture liée à un mode de vie marginal et potentiellement autodestructeur dont elle rend compte avec un souci d’«authenticité» aussi respectable que problématique » [p.28]. Dans cette catégorie, j’ai aimé Ton péché te retrouvera de Dan Fante, l’histoire rigolote d’un poète qui se retrouve à NY en pleine culture hippy et Pat et Corky de J.R. Helton, l’histoire humoristique de deux couples d’accros à la coke.

« Les méta-réalistes américains ont tendance à se montrer didactiques, à écrire sur les indigents, les moroses, les opprimés et les méchants… », nous dit Eric Miles Williamson [p. 49]. De cette catégorie, je retiens d’abord le superbe texte de John Paul Carillo : Mauvais exemple dans lequel un garçon fait le ménage chez sa tante alcoolo et en profite pour s’envoyer des comprimés de codéine. J’ai aussi aimé Rénovations urbaines d’Eric Miles Williamson, l’histoire d’un type qui vit dans sa bagnole près d’une décharge publique. Et, finalement, Le resquilleur de Scott Phillips qui raconte l’histoire d’un type qui veut devenir projectionniste de cinéma mais qui, pour des raisons syndicales, doit d’abord exercer son métier dans des salles pornos.

La troisième catégorie, le off-noir, est la rencontre entre les méta-réalistes ou les néo-beats avec le polar. N’étant pas amateur de polar, ce n’est pas la partie du livre que j’ai préférée. Je retiens tout de même Le rôle de sa vie de Mark SaFranko, l’histoire de deux types qui invitent à la maison une danseuse toxicomane qui s’avère aussi être une redoutable kleptomane. La nouvelle la plus jouissive est L’icône immaculée, de Patrick deWitt, dans laquelle un type s’introduit dans des maisons bourgeoises et les saccage tout en ruminant des pensées existentielles.

La dernière catégorie, inside-out, regroupe des récits de prisonniers ou de voyageurs. Plusieurs de ces récits m’ont paru valables même si certains se ressemblent. Quand on parle de prison ou de drogue, ça finit souvent par se ressembler. La nouvelle que j’ai préférée est Le journal de Sharon du Colombien Alfredo Molano. Un homme raconte l’étonnante odyssée de Nacha, une jolie sud-américaine experte en contrebande de stupéfiants.

Le livre des fêlures en vaut la peine vu sa grande diversité de nouvelles. Bien que laborieux par endroits, l’essai du début nous incite à réfléchir à ce qu’est la littérature underground, à ses influences et aux liens qui existent entre les genres. De nombreuses références intéresseront ceux qui voudraient approfondir le sujet ou accéder à une des publications web citées. Enfin si vous aimez le format de la nouvelle ou si vous êtes —comme moi— un écrivain un peu fêlé et voulez en apprendre sur le style que vous pratiquez, ce livre est pour vous.

© Alain Cliche, 2012.

Une réflexion sur “Le livre des fêlures – collectif [2011]

  1. pareillement rebuté par l’introduction qui tord du cul pour chier droit et carrément fasciné par le recueil (à deux trois exceptions près mais c’est le jeu ) :un panorama crucial d’une certaine littérature qui s’est faite dégager en loucedé des catalogues…
    vachement bien chez vous !

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